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mille qualités incompréhensibles ; comme ils ne virent point cet être, qui n’est qu’un mode, ils en firent un esprit, une intelligence, un être incorporel, c’est-à-dire une substance totalement différente de tout ce que nous connoissons[1]. Ils ne’apperçurent jamais que toutes leurs inventions, & les mots qu’ils avoient imaginés ne servoient que de masque à leur ignorance réelle, & que toute leur science prétendue se bornoit à dire par mille détours qu’ils se trouvoient dans l’impossibilité de comprendre comment la nature agissoit. Nous nous trompons toujours faute d’étudier la nature ; nous nous égarons toutes les fois que nous voulons en sortir ; mais bien-tôt nous sommes forcés d’y rentrer, ou de substituer des mots que nous n’entendons pas aux choses que nous connoitrions bien mieux si nous voulions les voir sans préjugés.

Un théologien peut-il en bonne foi se croire plus éclairé pour avoir substitué les mots vagues d’esprit, de substance incorporelle, de divinité, etc., aux mots intelligibles de matière, de nature, de mobilité, de nécessité ? Quoiqu’il en soit, ces mots obscurs une fois imaginés, il fallut leur attacher des idées ; on ne put les puiser que dans les êtres de cette nature dédaignée, qui sont toujours les seuls que nous puissions connoître. Les hommes les puisèrent donc en eux-mêmes ; leur ame servit de modèle à l’ame universelle ; leur esprit fut le modèle de l’esprit qui règle la nature ; leurs passions & leurs desirs furent le prototype des siens ; leur intelligence fut le moûle de la sienne ;

  1. Voyez ce qui a été dit sur le système de la spiritualité dans la première partie de cet ouvrage, et voyez la seconde note du Chap. VI de celle-ci.