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alors que les aiguillons de la haîne & les traits de l’envie épuisés ou émoussés font place à la vérité, qui étant éternelle, doit survivre à toutes les erreurs de la terre. [1].

D’ailleurs nous dirons avec Hobbes. "Que l’on ne peut faire aucun mal aux hommes en leur proposant ses idées ; le pis aller est de les laisser dans le doute & la dispute ; n’y sont-ils pas déjà ? " si un auteur qui écrit s’est trompé, c’est qu’il a pu mal raisonner. A-t-il posé de faux principes ? Il s’agit de les examiner. Son systême est-il faux & ridicule ? Il ne servira qu’à faire paroitre la vérité dans tout son jour ; son ouvrage tombera dans le mépris ; & l’écrivain, s’il est témoin de sa chûte, sera suffisamment puni de sa témérité ; s’il est mort, les vivans ne pourront troubler sa cendre. Nul homme n’écrit dans le dessein de nuire à ses semblables, il se propose

  1. C’est un problème pour bien des gens, si la vérité ne peut pas nuire. Les personnes les mieux intentionnées sont souvent elles-mêmes dans l’incertitude sur ce point important. La vérité ne nuit jamais qu’à, ceux qui trompent les hommes, ceux-ci ont le plus grand intérêt à être détrompés. La vérité peut bien nuire à celui qui l’annonce, mais nulle vérité ne peut nuire au genre humain, & jamais elle ne peut être annoncée trop clairement à des êtres toujours peu disposés à l’entendre ou à la comprendre. Si tous ceux qui écrivent pour annoncer des vérités importantes (que l’on regarde toujours comme les plus dangereuses) étaient assez échauffés de l’amour du bien public pour parler franchement, au risque même dé déplaire, le genre humain serait bien plus éclairé & plus heureux qu’il n’est. Ecrire à mots couverts, c’est souvent n’écrire pour personne. L’esprit humain est paresseux, il faut lui épargner autant qu’on peut l’embarras de réfléchir. Que de temps et d’étude ne faut-il pas aujourd’hui pour deviner les oracles ambigus des anciens, philosophes, dont les vrais sentimens sont presqu’entièrernent perdus pour nous ! Si la vérité est utile aux hommes c’est une injustice de les en priver, si ia vérité doit être admise, il faut admettre ses conséquences, qui sont aussi des vérités. Les hommes pour la plupart aiment la vérité, mais ses conséquences leur font une peur si grande, que souvent ils aiment mieux s’en tenir à l’erreur, dont l’habitude les empêche de sentir les suites déplorables.