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portion la plus considérable de l’espèce humaine. Ceux qui purent échapper à la ruine du monde, plongés dans la consternation & la misère, ne furent guère en état de conserver à leur postérité des connoissances effacées par les malheurs dont ils avoient été les victimes & les témoins : accablés de frayeurs eux-mêmes, ils n’ont pu nous faire passer qu’à l’aide d’une tradition obscure leurs affreuses avantures, ni nous transmettre les opinions, les systêmes & les arts antérieurs aux révolutions de la terre. Il y eut peut-être, de toute éternité des hommes sur la terre, mais en différens périodes ils furent anéantis, ainsi que leurs monumens & leurs sciences ; ceux qui survécurent à ces révolutions périodiques, ont formé à chaque fois une nouvelle race d’hommes, qui à force de tems, d’expérience & de travaux, ont peu-à-peu retiré de l’oubli les inventions des races primitives. C’est peut-être à ces renouvellemens périodiques du genre-humain qu’est due l’ignorance profonde dans laquelle nous le voyons encore plongé sur les objets les plus intéressans pour lui. Voilà peut-être la vraie source de l’imperfection de nos connoissances, des vices de nos institutions politiques & religieuses auxquelles la terreur a toujours présidé, de cette inexpérience & de ces préjugés puériles qui font que l’homme est encore partout dans un état d’enfance, en un mot si peu susceptible de consulter sa raison & d’écouter la vérité. à en juger par la foiblesse & la lenteur de ses progrès à tant d’égards, on diroit que la race humaine ne fait que de sortir de son berceau, ou qu’elle fut destinée à ne jamais atteindre l’ âge de raison ou de virilité[1].

  1. Ces hypothèses paraîtront sans doute hasardées à ceux qui n’ont point assez médité sur la nature. Il peut y avoir eu non