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Nous conviendrons encore que souvent la corruption des mœurs, la débauche, la licence & même la légéreté d’esprit peuvent conduire à l’irréligion ou à l’incrédulité ; mais on peut être libertin, irréligieux & faire parade d’incrédulité sans être un athée pour cela. Il y a de la différence, sans doute, entre ceux que le raisonnement conduit à l’irréligion, & ceux qui ne rejettent ou ne méprisent la religion que parce qu’ils la regardent comme un objet lugubre ou un frein incommode. Bien des gens renoncent aux préjugés reçus par vanité ou sur parole ; ces prétendus esprits forts n’ont rien examiné par eux-mêmes, ils s’en rapportent à d’autres qu’ils supposent avoir pesé les choses plus mûrement. Ces sortes d’incrédules n’ont donc point d’idées certaines ; peu capables de raisonner par eux-mêmes, à peine sont-ils en état de suivre les raisonnemens des autres. Ils sont irréligieux de la même manière que la plupart des hommes sont religieux, c’est-à-dire par la crédulité, comme le peuple, ou par intérêt, comme le prêtre. Un voluptueux, un débauché enseveli dans la crapule, un ambitieux, un intriguant, un homme frivole & dissipé, une femme déréglée, un bel esprit à la mode sont-ils donc des personnages bien capables de juger d’une religion qu’ils n’ont point approfondie, de sentir la force d’un argument,

    soumettre ma raison à ton délire ? D’un autre côté, ne peut-on pas dire aux Prêtres que c’est l’intérêt qui les fait prêtres, que c’est l’intérêt qui les rend Théologiens ; que c’est l’intérêt de leurs passions, de leur orgueil, de leur avarice, de leur ambition, &c. qui les attache à leurs systèmes, dont seuls ils retirent les fruits ? Quoiqu’il en soit, les prêtres, contents d’exercer leur empire sur le vulgaire, devraient permettre aux hommes qui pensent de ne point fléchir le genou devant leurs vaines Idoles. Tertullien a dit quis enim philosophum sacrificare compellit ?

    V. Tertul. Apolog. Cap. 46.