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qu’il s’irrite même de ses pensées les plus secretes, que l’on peut offenser sans le sçavoir, & à qui l’on n’est jamais sûr de plaire, qui d’ailleurs n’est astreint à aucunes des règles de la justice ordinaire, qui ne doit rien aux foibles ouvrages de ses mains, qui permet que ses créatures aient des penchans malheureux, qui leur donne la liberté de les suivre, afin d’avoir la satisfaction odieuse de les punir des fautes qu’il leur permet de commettre ? Quoi de plus raisonnable & de plus juste que de constater l’existence, l’essence, les qualités & les droits d’un juge si sévère qu’il vengera sans terme les délits d’un moment ? Ne seroit-ce pas le comble de la folie que de porter sans inquiétude, comme font la plûpart des mortels, le joug accablant d’un dieu toujours prêt à les écraser dans sa fureur. Les qualités affreuses dont la divinité est défigurée par les imposteurs qui annoncent ses decrets forcent tout être raisonnable à la repousser de son cœur, à secouer son joug détesté, à nier l’existence d’un dieu que l’on rend haïssable par la conduite qu’on lui prête, à se moquer d’un dieu que l’on rend ridicule par les fables qu’on en débite en tout pays. S’il existoit un dieu jaloux de sa gloire, le crime le plus propre à l’irriter seroit, sans doute, le blasphême de ces fourbes qui le peignent sans cesse sous les traits les plus révoltans ; ce dieu devroit être bien plus offensé contre ses affreux ministres que contre ceux qui nient son existence. Le phantôme que le superstitieux adore, en le maudissant au fond de son cœur, est un objet si terrible que tout sage qui le médite est obligé de lui refuser ses hommages, de le haïr, de préférer l’anéantissement à la crainte de tomber dans ses cruelles mains. il est affreux, nous crie le fanatique, de tomber entre les mains du dieu vivant ;