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point faits pour ces ambitieux, ces intriguans, ces esprits remuans qui trouvent leur intérêt à troubler : bien plus ils ne sont point faits pour un grand nombre de personnes instruites d’ailleurs, qui n’ont que très rarement le courage de faire complétement divorce avec les préjugés reçus.

Tant de causes se réunissent pour confirmer les hommes dans les erreurs qu’on leur a fait sucer avec le lait, que chaque pas qui les en éloigne leur coute des peines infinies. Les personnes les plus éclairées tiennent souvent elles-mêmes par quelque côté aux préjugés universels. L’on se voit, pour ainsi dire, isolé ; on ne parle point la langue de la société quand on est seul de son avis ; il faut du courage pour adopter une façon de penser qui n’a que peu d’approbateurs. Dans les pays où les connoissances humaines ont fait quelques progrès & où d’ailleurs l’on jouit communément d’une certaine liberté de penser, on trouvera facilement un grand nombre de déistes ou d’incrédules, qui contens d’avoir mis sous les pieds les préjugés les plus grossiers du vulgaire n’osent point remonter jusqu’à la source & citer la divinité même au tribunal de la raison. Si ces penseurs ne restoient point en chemin, la réflexion leur prouveroit bientôt que le dieu qu’ils n’ont point le courage d’examiner est un être aussi nuisible, aussi révoltant pour le bon sens, que tous les dogmes, les mysteres, les fables, & les pratiques superstitieuses dont ils ont déjà reconnu la futilité ; ils sentiroient, comme on l’a prouvé, que toutes ces choses ne sont que des suites nécessaires des notions primitives que les hommes se font de leur phantôme divin, & qu’en admettant ce phantôme on n’a plus de raison pour rejetter les induc-