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leur propre énergie ; d’après leurs influences bonnes ou mauvaises sur les habitans de la terre, ils leur supposèrent le pouvoir & la volonté de leur faire du bien ou de leur nuire. Ceux qui les premiers sçurent prendre de l’ascendant sur des hommes sauvages, grossiers, dispersés dans les bois, occupés de la chasse ou de la pêche, errans & vagabonds, peu attachés au sol dont ils ne sçavoient point encore tirer parti, furent toujours des observateurs plus expérimentés, plus instruits des voies de la nature que les peuples, ou plutôt que les individus épars, qu’ils trouvèrent ignorans & dénués d’expérience. Leurs connoissances supérieures les mirent à portée de leur faire du bien, de leur découvrir des inventions utiles, de s’attirer la confiance des malheureux à qui ils venoient tendre une main secourable ; des sauvages nuds, affamés, exposés aux injures de l’air & aux attaques des bêtes, dispersés dans des cavernes & des forêts, occupés du soin pénible de chasser ou de travailler sans relâche pour se procurer une subsistance incertaine, n’avoient point eu le loisir de faire des découvertes propres à faciliter leurs travaux : ces découvertes sont toujours les fruits de la société ; des êtres isolés & séparés les uns des autres ne trouvent rien, & songent à peine à chercher. Le sauvage est un être qui demeure dans une enfance perpétuelle, & qui n’en sortiroit point, si l’on ne venoit le tirer de sa misère. Farouche d’abord, il s’apprivoise peu-à-peu avec ceux qui lui font du bien ; une fois gagné par leurs bienfaits, il leur donne sa confiance, à la fin il va jusqu’à leur sacrifier sa liberté.

Ce fut communément du sein des nations civilisées que sont sortis tous les personnages qui ont