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licite la continuation de ce qui fait le désespoir de son voisin. Enfin chaque homme veut un dieu pour lui tout seul, & demande qu’en sa faveur, suivant ses fantaisies momentanées & ses besoins changeans, l’essence invariable des choses soit continuellement changée.

D’où l’on voit que les hommes demandent à chaque instant des miracles. Ne soyons donc point surpris de leur crédulité, ou de la facilité avec laquelle ils adoptent les récits des œuvres merveilleuses qu’on leur annonce comme des actes de la puissance & de la bienveillance de la divinité, & comme des preuves de son empire sur la nature entière, à laquelle, en la gagnant, ils se sont promis de commander eux-mêmes[1] ; par une suite de ces idées cette nature s’est trouvée totalement dépouillée de tout pouvoir ; elle ne fut plus regardée que comme un instrument passif, aveugle par lui-même, qui n’agissoit que suivant les ordres variables des agens tout puissans auxquels on la crut surbordonnée. C’est ainsi que faute d’envisager la nature sous son vrai point de vue, on la méconnut entiérement, on la méprisa, on la crut incapable de rien produire par elle-même, & l’on fit honneur de toutes ses œuvres, soit avantageuses, soit nuisibles pour l’espèce humaine, à des puissances fictives, auxquelles l’homme prêta

  1. Les hommes se sont bien aperçus que la nature était sourde, ou n’interrompait jamais sa marche ; en conséquence ils l’ont, par intérêt, soumise à un agent intelligent, qu’ils supposent, par son analogie avec eux., plus disposé à les écouter qu’une nature insensible qu’ils ne pouvaient arrêter. Il reste donc à savoir si l’intérêt de l’homme peut être regardé comme une preuve indubitable de l’existence d’un agent doué d’intelligence, et si de ce que la chose convient à l’homme, il peut en conclure qu’elle est. Enfin, il faudrait voir si réellement l’homme, à l’aide de cet agent, est jamais parvenu à changer la marche de la nature.