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votre Dieu agit donc par intérêt ? Semblable aux hommes qui lors même qu’ils sont les plus désintéressés, exigent au moins qu’on leur donne des marques des impressions que leurs bienfaits font sur nous. Votre dieu si puissant & si grand a-t-il besoin que vous lui prouviez les sentimens de votre reconnoissance ? D’ailleurs, sur quoi fondez vous cette gratitude ? Répand-il ses bienfaits également sur tous les hommes ? Le plus grand nombre d’entre eux est-il content de son sort ? Vous-mêmes êtes-vous toujours satisfaits de votre existence ? On me dira sans doute, que cette existence seule est le plus grand des bienfaits. Mais comment peut-on la regarder comme un avantage signalé ? Cette existence n’est-elle pas nécessairement entrée dans le plan inconnu de votre dieu ? La pierre doit-elle quelque chose à l’architecte pour l’avoir jugé nécessaire à son bâtiment ? Connoissez-vous mieux que cette pierre les vues cachées de notre dieu ? Si vous êtes un être sensible & pensant, ne trouvez-vous pas à chaque instant que ce plan merveilleux vous incommode ; vos prières même à l’architecte du monde ne prouvent-elles pas que vous êtes mécontens ? Vous êtes nés sans le vouloir ; votre existence est précaire ; vous souffrez contre votre gré ; vos plaisirs & vos peines ne dépendent point de vous ; vous n’êtes maîtres de rien ; vous ne concevez rien au plan de l’architecte du monde que vous ne cessez d’admirer, & dans lequel sans votre aveu vous vous trouvez placés ; vous êtes les jouets continuels de la nécessité que vous divinisez ; après vous avoir appellés à la vie votre dieu vous oblige d’en sortir ; où sont donc ces obligations si grandes que vous croyez avoir à la Providence ?