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créatures, & lui demander qu’il altère les décrets éternels de sa justice, qu’il change les loix invariables qu’il a lui-même fixées ? Prier Dieu n’est-ce pas lui dire ? " ô mon dieu, je reconnois votre sagesse, votre science, votre bonté infinies ; cependant vous m’oubliez ; vous perdez de vue votre créature ; vous ignorez, ou vous feignez d’ignorer ce qui lui manque ; ne voyez-vous pas que je souffre de l’arrangement merveilleux que nos loix sages ont mis dans l’univers ? La nature, contre vos ordres, rend actuellement mon existence pénible ; changez donc, je vous prie, l’essence que votre volonté a donnée à tous les êtres. Faites en sorte que les élémens perdent pour moi en ce moment leurs propriétés distinctives ; faites que les corps graves ne tombent point, que le feu ne brûle point, que la machine frêle que j’ai reçue de vous ne souffre point des chocs qu’elle éprouve à chaque instant. Rectifiez pour mon bien-être le plan que votre prudence infinie a tracé depuis l’éternité. " tels sont à-peu-près les vœux que forment tous les hommes ; telles sont les demandes ridicules qu’ils font à chaque instant à la divinité, dont ils vantent la sagesse, l’intelligence, la providence & l’équité, tandis que presque jamais ils ne sont contens des effets de ces perfections divines.

Ils ne sont pas plus conséquens dans les actions de graces qu’ils se croient obligés de lui rendre. N’est-il pas juste, nous disent-ils, de remercier la divinité de ses bienfaits ? Ne seroit-ce pas le comble de l’ingratitude de refuser ses hommages à l’auteur de notre existence & de tout ce qui contribue à la rendre agréable ? Mais, lui dirai-je,