Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée

vrages, que je voyois aussi souvent nuisibles que favorables aux êtres de mon espèce ? Mon foible cerveau, forcé de juger d’après lui-même, pouvoit-il juger de ton plan, de ta sagesse, de ton intelligence, tandis que l’univers ne me présentoit qu’un mêlange constant d’ordre & de désordre, de biens & de maux, de formations & de destructions ? Ai-je pu rendre hommage à ta justice, tandis que je voyois si souvent le crime triomphant & la vertu dans les pleurs ? Pouvois-je donc reconnoître la voix d’un être rempli de sagesse, dans ces oracles ambigus, contradictoires, puériles que des imposteurs publioient en ton nom, dans les différentes contrées de la terre que je viens de quitter ? Si j’ai refusé de croire ton existence, c’est que je n’ai su ni ce que tu pouvois être, ni où l’on pouvoit te placer, ni les qualités que l’on pouvoit t’assigner. Mon ignorance est pardonnable, parce qu’elle fut invincible ; mon esprit n’a pu plier sous l’autorité de quelques hommes qui se reconnoissoient aussi peu éclairés que moi sur ton essence, & qui, toujours en dispute entr’eux, ne s’accordoient que pour me crier impérieusement, de leur sacrifier la raison que tu m’avois donnée.

" Mais, ô Dieu ! Si tu chéris tes créatures, je les ai chéries comme toi ; j’ai tâché de les rendre heureuses, dans la sphere où j’ai vécu. Si tu es l’auteur de la raison, je l’ai toujours écoutée & suivie ; si la vertu te plaît, mon cœur l’a toujours honorée ; je ne l’ai point outragée ; & quand mes forces me l’ont permis, je l’ai moi-même pratiquée ; je fus époux & père tendre, ami sincère, citoyen fidèle & zé-