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pose sans vouloir en convenir) nous n’en serons pas plus autorisés à lui adresser nos vœux, ni à nous occuper tristement de son idée. Au contraire, pour notre bonheur présent & pour notre repos, nous devrions tâcher de le bannir de nos pensées ; nous devrions le mettre au rang de ces maux nécessaires que l’on ne fait qu’aggraver à force d’y songer. En effet, si Dieu est un tyran, comment seroit-il possible de l’aimer ? L’affection & la tendresse ne sont-elles pas des sentimens incompatibles avec une crainte habituelle ? Comment éprouver de l’amour pour un maître, qui donneroit à ses esclaves la liberté de l’offenser, afin de les trouver en défaut, & les punir avec la dernière barbarie ? à ce caractère odieux, si Dieu joint encore la toute-puissance ; s’il tient dans ses mains les jouets malheureux de sa cruauté fantasque, que peut-on en conclure ? Rien ; sinon que quelques efforts que nous puissions faire pour échapper à notre destinée, nous serions toujours hors d’état de nous y soustraire. Si un dieu cruel ou méchant par sa nature est armé de la puissance infinie, & veut pour son plaisir nous rendre misérables à jamais, rien ne pourra l’en détourner ; sa méchanceté aura toujours son cours ; sa malice l’empêcheroit, sans doute, d’avoir égards à nos cris ; rien ne pourroit fléchir son cœur impitoyable.

Ainsi, sous quelque point de vue que nous envisagions le dieu théologique, nous n’avons point de culte à lui rendre, point de prières à lui faire. S’il est souverainement bon, intelligent, équitable & sage, qu’avons-nous à lui demander ? S’il est souverainement méchant, s’il est cruel gratuitement (comme tous les hommes le pensent sans oser se l’avouer) nos maux sont sans remèdes ; un tel