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Despote la trouva merveilleuse, quand elle l’assura qu’il était un dieu sur la terre, que ses sujets étaient nés pour l’adorer lui-même, & pour servir à ses fantaisies. Il négligea cette religion quand elle lui dit d’être juste ; elle vit bien que pour lors elle se contredisoit elle-même, & qu’il est inutile de prêcher l’équité à un mortel divinisé. D’ailleurs il fut assûré que son dieu lui pardonnerait tout, dès qu’il consentiroit à recourir à ses prêtres, toujours prêts à le reconcilier. Les sujets les plus méchans comptèrent pareillement sur leurs divins secours ; ainsi la religion, bien loin de les contenir, leur assûra l’impunité ; ses menaces ne purent détruire les effets que ses indignes flatteries avaient produits dans les princes ; ces mêmes menaces ne purent anéantir les espérances que ses expiations fournirent à tous. Les souverains énorgueillis, ou toujours sûrs d’expier leurs crimes, ne craignirent plus les dieux ; devenus eux-mêmes des dieux, ils se crurent tout permis contre de chétifs mortels qu’ils ne regardèrent plus que comme des jouets destinés à les amuser ici-bas.

Si la nature de l’homme étoit consultée sur la politique, que des idées surnaturelles ont si honteusement dépravée, elle rectifieroit complétement les notions fausses que s’en forment également les souverains & les sujets ; elle contribueroit bien plus que toutes les religions du monde à rendre les sociétés heureuses, puissantes & florissantes, sous une autorité raisonnable. Cette nature leur apprendroit que c’est pour jouir d’une plus grande somme de bonheur, que les mortels vivent en société ; que c’est sa conservation propre & sa félicité que toute société doit avoir pour but constant & invariable ; que sans équité elle ne rassem-