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& guidée par leurs caprices, ne put donner le jour qu’à des enfans corrompus. Elle ne fit éclore que des citoyens avares, ambitieux, jaloux, dissolus, qui ne virent jamais que le crime heureux, la bassesse récompensée, l’incapacité honorée, la fortune adorée, la rapine favorisée, la débauche estimée ; qui trouvèrent partout les talens découragés, la vertu négligée, la vérité proscrite, la grandeur d’ame écrasée, la justice foulée aux pieds, la modération languissante dans la misère, & forcée de gémir sous le poids de l’injustice altière.

Au milieu de ce désordre & de ce renversement d’idées, les préceptes de la morale ne purent être que des déclamations vagues, incapables de convaincre personne. Quelle digue la religion, avec ses mobiles imaginaires, peut-elle opposer à la corruption générale ? Quand elle parla raison, elle ne fut point écoutée ; ses dieux ne furent point assez forts pour résister au torrent ; ses menaces ne purent arrêter des cœurs que tout entraînait au mal ; ses promesses éloignées ne purent contrebalancer des avantages présens ; ses expiations toujours prêtes à laver les mortels de leurs iniquités, les enhardirent à y persévérer ; ses pratiques frivoles calmèrent les consciences ; enfin son zèle, ses disputes, ses vertiges ne firent que multiplier & envenimer les maux dont la société se trouvoit affligée ; dans les nations les plus viciées il y eut une foule de dévôts, & très-peu d’hommes honnêtes. Les grands & les petits écoutèrent la religion, quand elle leur parut favorable à leurs passions ; ils ne l’écoutèrent plus, quand elle voulut les contredire. Dès que cette religion fut conforme à la morale, elle parut incomode, elle ne fut suivie que lorsqu’elle la combattit, ou la détruisit totalement. Le