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son cœur. La nature dit à l’homme de consulter sa raison, & de la prendre pour guide : la religion lui apprend que cette raison est corrompue, qu’elle n’est qu’un guide infidèle, donnée par un dieu trompeur afin d’égarer ses créatures. La nature dit à l’homme de s’éclairer, de chercher la vérité, de s’instruire de ses rapports : la religion lui enjoint de ne rien examiner, de rester dans l’ignorance, de craindre la vérité ; elle lui persuade qu’il n’est point de rapports plus importans pour lui que ceux qui subsistent entre lui & un être qu’il ne connoîtra jamais. La nature dit à l’être amoureux de lui-même, de modérer ses passions, de leur résister lorsqu’elles sont destructives pour lui-même, de les contrebalancer par des motifs réels empruntés de l’expérience : la religion dit à l’être sensible de n’avoir point de passions, d’être une masse insensible, ou de combattre ses penchans par des motifs empruntés de l’imagination & variables comme elle. La nature dit à l’homme d’être sociable, d’aimer ses semblables, d’être juste, paisible, indulgent, bienfaisant, de faire jouir ou de laisser jouir ses associés : la religion lui conseille de fuir la société, de se détacher des créatures, de les haïr, quand leur imagination ne leur procure point des rêves conformes aux siens, de briser en faveur de son dieu tous les liens les plus sacrés, de tourmenter, d’affliger, de persécuter, de massacrer ceux qui ne veulent point délirer à sa manière. La nature dit à l’homme en société, chéris la gloire, travaille à te rendre estimable, sois actif, courageux, industrieux : la religion lui dit sois humble, abject, pusillanime, vis dans la retraite, occupe-toi de prières, de méditations, de pratiques ; sois inutile à toi-même, & ne fais rien pour