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roit pas le besoin de manger pour vivre, ne mettroit point de distinction ou de choix entre ses alimens ; c’est prétendre que sans connoître le nom, le caractère & les qualités de celui qui nous prépare un mêts, nous ne sommes point en état de juger si ce mêts nous est agréable ou désagréable, s’il est bon ou mauvais. Celui qui ne sçait à quoi s’en tenir sur l’existence & les attributs moraux d’un dieu, ou qui les nie formellement, ne peut au moins douter de son existence propre, de ses propres qualités, de sa façon propre de sentir & de juger : il ne peut non plus douter de l’existence d’autres êtres organisés comme lui, en qui tout lui montre des qualités analogues aux siennes, & dont par de certaines actions il peut s’attirer l’amour ou la haine, les secours ou les mauvais traitemens, l’estime ou les mépris : cette connoissance lui suffit pour distinguer le bien & le mal moral. En un mot chaque homme jouissant d’une organisation bien ordonnée, ou de la faculté de faire des expériences vraies, n’aura qu’à se considérer lui-même pour découvrir ce qu’il doit aux autres ; sa propre nature l’éclairera bien mieux sur ses devoirs que ces dieux qu’il ne peut consulter que dans ses propres passions, ou dans celles de quelques enthousiastes, ou de quelques imposteurs. Il reconnoîtra que pour se conserver & se procurer à lui-même un bien-être durable, il est obligé de résister à l’impulsion souvent aveugle de ses propres desirs ; & que pour se concilier la bienveillance des autres, il doit agir d’une façon conforme aux leurs ; en raisonnant ainsi, il sçaura ce que c’est que la vertu[1] ; s’il met cette spéculation en

  1. La théologie jusqu’ici n’a su donner une définition