Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

raison sous son joug, soumettre l’homme à ses propres caprices ; & souvent au nom de la divinité elle le força d’étouffer sa nature & de violer par piété les devoirs les plus évidens de la morale. Quand cette même religion voulut contenir les mortels, qu’elle avoit pris soin de rendre aveugles & déraisonnables, elle n’eut à leur donner que des freins & des motifs idéaux, elle ne put substituer que des causes imaginaires à des causes veritables, des mobiles merveilleux & surnaturels à des mobiles naturels & connus, des romans & des fables à des réalités. Par ce renversement, la morale n’eut plus de principes assurés ; la nature, la raison, la vertu, l’évidence dépendirent d’un dieu indéfinissable, qui jamais ne parla clairement, qui fit taire la raison, qui ne s’expliqua que par des inspirés, des imposteurs, des fanatiques, que leur délire, ou le desir de profiter des égaremens des hommes, intéressèrent à ne prêcher qu’une soumission abjecte, des vertus factices, des pratiques frivoles, en un mot une morale arbitraire, conforme à leurs propres passions, & souvent très nuisible au reste du genre humain.

Ainsi en faisant découler la morale d’un dieu, on la soumit réellement aux passions des hommes. En voulant la fonder sur une chimêre on ne la fonda sur rien ; en la faisant dériver d’un être imaginaire dont chacun se fit des notions différentes, dont les oracles obscurs furent interprêtés, soit par des hommes en délire soit par des fourbes ; en établissant sur ses volontés prétendues la bonté ou la malignité, en un mot la moralité des actions humaines ; en proposant à l’homme pour modèle un être que l’on supposa changeant, les théologiens, loin de donner à la morale une base