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jeunesse ? Elle fut indignement sacrifiée à la superstition. On empoisonna l’homme dès l’enfance de notions inintelligibles, on le repût de mystères & de fables, on l’abbreuva d’une doctrine à laquelle il fut forcé d’acquiescer sans pouvoir y rien comprendre ; on troubla son esprit de vains phantômes ; on lui rétrécit le génie par des minuties sacrées, par des devoirs puériles, par des dévotions machinales[1]. On lui fit perdre un tems précieux en pratiques & en cérémonies ; on lui remplit la tête de sophismes & d’erreurs ; on l’enivra du fanatisme, on le prévint pour toujours contre la raison & la vérité ; l’énergie de son ame fut mise dans des entraves continuelles ; il ne put jamais prendre l’essor, il ne put se rendre utile à ses associés ; l’importance que l’on mit à la science divine, ou plutôt à l’ignorance systématique qui sert de base à la religion, fit que le sol le plus fertile ne produisit que des épines.

L’éducation sacerdotale & religieuse forma-t-elle des citoyens, des pères de famille, des époux, des maîtres justes, des serviteurs fidèles, des sujets soumis, des associés pacifiques ? Non ; elle fit ou des dévôts chagrins, incommodes pour eux-mêmes & pour les autres ou des hommes sans principes, qui mirent bientôt en oubli les terreurs dont on les avoit imbus, & qui jamais ne connurent les règles de la morale. La religion fut mise au dessus de tout ; on dit au fanatique

  1. La superstition a tellement fasciné les esprits et fait des hommes de pures machines, qu’il y a un grand nombre de pays où les peuples n’entendent point la langue dont ils se servent pour parlera leur Dieu. Nous voyons des femmes n’avoir pour toute la vie d’autre occupation que de chanter du latin, sans en entendre un mot. Le peuple qui ne comprend rien à son culte, y assiste très-exactement dans l’idée qu’il lui suffit de se montrer à son Dieu, qui lui sait gré de venir s’ennuyer dans ses temples.