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L’esprit humain, on ne peut trop le répéter pour le bonheur des hommes, a beau se tourmenter, dès qu’il sort de la nature visible il s’égare, & bientôt il est obligé d’y rentrer. S’il méconnoit la nature & son énergie, s’il a besoin d’un dieu pour la mouvoir, il n’en a pas plus d’idée, & sur le champ il est forcé d’en faire un homme dont lui-même est le modèle ; il croit en faire un dieu en lui donnant ses propres qualités, il croit les rendre plus dignes du souverain monde, en les exagérant, tandis qu’à force d’abstractions, de négations, d’exagérations, il les anéantit ou les rend totalement inintelligibles. Lorsqu’il ne s’entend plus lui-même & se perd dans ses propres fictions, il s’imagine avoir fait un dieu, tandis qu’il n’a fait qu’un être de raison. Un dieu revêtu de qualités morales a toujours l’homme pour modèle ; un dieu revêtu des attributs de la théologie n’a de modèle nulle part, & n’existe point pour nous : de la combinaison ridicule & disparate de deux êtres si divers, il ne peut résulter qu’une pure chimere, avec laquelle notre esprit ne peut avoir aucuns rapports, & dont il lui est très inutile de s’occuper.

Que pourrions-nous en effet attendre d’un dieu tel qu’on le suppose ? Que pourrions-nous lui demander ? S’il est spirituel, comment peut-il mouvoir la matière & l’armer contre nous ? Si c’est lui qui établit les loix de la nature ; si c’est lui qui donne aux êtres leurs essences & leurs propriétés ; si tout ce qui se fait est la preuve & le fruit de sa providence infinie & de sa sagesse profonde, à quoi bon lui adresser des vœux ? Le prierons-nous de changer en notre faveur le cours invariable des choses ? Pourroit-il, quand même