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trouver, que, même pour l’homme, tout est bien dans une nature où le bien se trouve constamment accompagné de mal, & où des esprits moins prévenus & des imaginations moins poétiques jugeroient que tout est ce qu’il peut être ; que le bien & le mal sont également nécessaires ; qu’ils partent de la nature des choses & non d’une main fictive, qui, si elle existoit réellement ou opéroit tout ce que nous voyons, pourroit être appellée méchante avec autant de raison qu’on s’opiniâtre à l’appeller remplie de bonté. D’ailleurs pour être à portée de justifier la providence, des maux, des vices, des désordres que nous voyons dans le tout que l’on suppose son ouvrage, il faudroit connoître le but du tout. Or le tout ne peut avoir de but, car s’il avoit un but, une tendance, une fin, il ne seroit plus le tout.

On ne manquera pas de nous dire que les désordres & les maux que l’on voit dans ce monde ne sont que relatifs & apparens, & ne prouvent rien contre la sagesse & la bonté divine. Mais ne peut-on pas répliquer que les biens si vantés & l’ordre merveilleux, sur lesquels on fonde la sagesse & la bonté de Dieu, ne sont pareillement que relatifs & apparens ? Si c’est uniquement notre façon de sentir & de coexister avec les causes dont nous sommes environnés qui constitue l’ordre de la nature pour nous, & qui nous autorise à prêter de la sagesse ou de la bonté à son auteur, notre façon de sentir & d’exister ne doivent-ils pas nous autoriser à nommer désordre ce qui nous nuit, & à prêter de l’imprudence ou de la malice à l’être que nous supposerons mettre la nature en action ? En un mot, ce que nous voyons dans le monde conspire à nous prouver que tout est