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fait une demeure, & leur fournit les choses qu’il juge devoir leur plaire le plus, parce qu’il y attache lui-même un très grand prix. Ces dispositions servent à nous rendre compte de la formation de ces dieux tutélaires, que chaque homme se fait dans les nations sauvages & grossières. Nous voyons que des hommes simples regardent comme les arbitres de leur sort des animaux, des pierres, des substances informes & inanimées, des fétiches, qu’ils transforment en divinités, en leur prêtant de l’intelligence, des desirs & des volontés.

Il est encore une disposition qui servit à tromper l’homme sauvage, & qui trompera tous ceux que la raison n’aura point désabusés des apparences, c’est le concours fortuit de certains effets avec des causes qui ne les ont point produits, ou la coexistence de ces effets avec de certaines causes qui n’ont avec eux aucunes liaisons véritables. C’est ainsi que le sauvage attribuera la bonté ou la volonté de lui faire du bien à quelque objet, soit inanimé soit animé, tel qu’une pierre d’une certaine forme, une roche, une montagne, un arbre, un serpent, un animal, etc., si toutes les fois qu’il a rencontré ces objets, les circonstances ont voulu qu’il eût un bon succès à la chasse à la pêche, à la guerre, ou dans toute autre entreprise. Le même sauvage, tout aussi gratuitement, attachera l’idée de malice ou de méchanceté à un objet quelconque qu’il aura rencontré les jours où il éprouvera quelqu’accident fâcheux ; incapable de raisonner, il ne voit pas que ces effets divers sont dus à des causes naturelles, à des circonstances nécessaires ; il trouve plus court d’en faire honneur à des causes incapables d’influer sur lui, ou