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aucune idée des qualités dont ils nous parlent, vu que l’homme ne peut les concevoir qu’en tant qu’elles ont de l’analogie avec ces mêmes qualités en lui.

C’est ainsi qu’à force de subtiliser, les mortels n’ont aucune idée fixe du dieu qu’ils ont enfanté. Peu contens d’un dieu physique, d’une nature agissante, d’une matière capable de tout produire, ils veulent la dépouiller de l’énergie qu’elle posséde en vertu de son essence, pour en revêtir un esprit pur, dont ils sont obligés de refaire un être matériel dès qu’ils veulent s’en faire une idée ou se faire entendre aux autres. En rassemblant les parties de l’homme, qu’ils ne font qu’étendre & prolonger sans fin, ils croient former un dieu. C’est sur le modèle de l’ame humaine qu’ils forment l’ame de la nature, ou l’agent secret dont elle reçoit l’impulsion. Après avoir fait l’homme double, ils font la nature double & ils supposent que cette nature est vivifiée par une intelligence. Dans l’impossibilité de connoître cet agent prétendu, ainsi que celui qu’ils avoient gratuitement distingué de leur propre corps, ils l’ont dit spirituel, c’est-à-dire, d’une substance inconnue : de ce qu’ils n’en avoient point d’idées, ils en ont conclu que la substance spirituelle étoit bien plus noble que la matière, & que sa prodigieuse subtilité, qu’ils ont nommée simplicité, & qui n’étoit qu’un effet de leurs abstractions métaphysiques, la mettoit à couvert de la décomposition, de la dissolution & de toutes les révolutions auxquelles les corps matériels sont évidemment exposés.

C’est ainsi que les hommes préfèrent toujours le merveilleux au simple, ce qu’ils n’entendent pas