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un être inconnu plus nécessaire qu’elle ; & cet être idéal est devenu le créateur, le moteur, le conservateur de la nature entière. Ainsi l’on n’a fait que substituer un vain nom à la matière, qui nous présente des idées véritables, à une nature dont à chaque instant nous éprouvons l’action & le pouvoir, & que nous connoîtrions bien mieux, si nos opinions abstraites ne nous mettoient sans cesse un bandeau devant les yeux.

Les notions les plus simples de la physique nous montrent en effet que, quoique les corps s’altèrent & disparoissent, rien pourtant ne se perd dans la nature ; les produits divers de la décomposition d’un corps servent d’élémens, de matériaux & de base à la formation, à l’accroissement, au soutien d’autres corps. La nature entière ne subsiste & ne se conserve que par la circulation, la transmigration, l’échange & le déplacement perpétuels des molécules & des atômes insensibles ou des parties sensibles de la matière. C’est par cette palingénésie que subsiste le grand tout, qui, semblable au saturne des anciens, est perpétuellement occupé à dévorer ses propres enfans. L’on pourroit dire à quelques égards que le dieu métaphysique qui a usurpé son trône l’a privé de la faculté d’engendrer & d’agir, depuis qu’il s’est mis en sa place.

Reconnoissons donc que la matière existe par elle-même, qu’elle agit par sa propre énergie & qu’elle ne s’anéantira jamais. Disons que la matière est éternelle, & que la nature a été, est & sera toujours occupée à produire, à détruire, à faire & à défaire, à suivre les loix résultantes de son existence nécessaire. Pour tout ce qu’elle fait elle