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fond ? Si la création est l’ éduction du néant, ne faut-il pas en conclure que le dieu qui l’a tirée de son propre fond l’a tirée du néant & n’est lui-même que le néant ? Ceux qui nous parlent sans cesse de cet acte de la toute-puissance divine, par le quel une masse infinie de la matière a tout d’un coup été substituée au néant, entendent-ils bien ce qu’ils nous disent ? Est-il un homme sur la terre qui conçoive qu’un être privé d’étendue puisse exister lui-même, devenir la cause de l’existence des êtres étendus, puisse agir sur la matière, la tirer de sa propre essence, la mettre en mouvement ? En vérité plus on considére la théologie & ses romans ridicules plus on doit se convaincre qu’elle n’a fait autre chose qu’inventer des mots dépourvus de sens & substituer des sons à des réalités intelligibles.

Faute de consulter l’expérience, d’étudier la nature, le monde matériel, on s’est jetté dans un monde intellectuel, que l’on a peuplé de chimeres. On n’a point daigné considérer la matière ni la suivre dans ses différens périodes ou changemens. On a ridiculement ou de mauvaise foi, confondu la dissolution, la décomposition, la séparation des parties élémentaires dont les corps sont composés avec leur destruction radicale ; on n’a point voulu voir que les élémens étoient indestructibles, tandis que leurs formes étoient passagères & dépendoient des combinaisons transitoires. On n’a point distingué le changement de figure, de position, de tissu auquel la matière est sujette, d’avec son anéantissement, qui est totalement impossible ; on a faussement conclu que la matière n’étoit point un être nécessaire, qu’elle avoit commencé d’exister, qu’elle devoit son existence à