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peut agir autrement qu’elle ne fait. Si, d’après les mouvemens réglés & bien ordonnés que nous voyons, nous attribuons de l’intelligence, de la sagesse, de la bonté à la cause inconnue ou supposée de ces effets, nous sommes obligés de lui attribuer pareillement de l’extravagance & de la malice toutes les fois que ces mouvemens deviennent désordonnés, c’est-à-dire cessent d’être réglés pour nous, ou nous troublent nous-mêmes dans notre façon d’exister.

On prétend que les animaux nous fournissent une preuve convaincante d’une cause puissante de leur existence ; on nous dit que l’accord admirable de leurs parties, que l’on voit se prêter des secours mutuels afin de remplir leurs fonctions & de maintenir leur ensemble, nous annoncent un ouvrier qui réunit la puissance à la sagesse. Nous ne pouvons douter de la puissance de la nature[1] ; elle

  1. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs que plusieurs auteurs, pour prouver l’existence d’une intelligence divine, ont copié des traités entiers d’anatomie et de botanique, qui ne prouvent rien, sinon qu’il existe dans la nature des élémens propres à s’unir, s’arranger, se coordonner de manière à former des touts ou des ensembles susceptibles de produire des effets particuliers. Ainsi ces écrits chargés d’érudition font voir seulement qu’il existe dans la nature des êtres diversement organisés, conformés d’une certaine façon, propres à certains usages, qui n’existeraient plus sous la forme qu’ils ont, si leurs parties cessaient d’agir comme elles font, c’est-à-dire, d’être disposées de manière à se prêter des secours mutuels. Etre surpris que le cerveau, que le cœur, que les yeux, que les artères et les veines d’un animal agissent comme ils font, ou que les racines d’une plante attirent des sucs, ou qu’un arbre produise des fruits, c’est être surpris qu’un animal, une plante, ou un arbre existent. Ces êtres n’existeraient pas ou ne seraient plus ce qu’ils sont, s’ils cessaient d’agir comme ils font ; c’est ce qui arrive lorsqu’ils meurent. Si leur formation, leurs combinaisons, leur façon d’agir et de se conserver quelque temps dans la vie était une preuve que ces êtres sont des effets d’une cause intelligente, leur destruction, leur dissolution, la cessation totale de leur façon d’agir, leur mort devrait prouver de même que ces êtres sont les effets d’une cause privée d’intelligence et de vues constantes. Si l’on dit que ses vues nous sont inconnues ; je demanderai de quel droit on peut les prêter à cette cause, ou comment on peut en raiaonuer ?