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vant le cours des choses, ont dû être & seront encore successivement & dans des tems différens, ébranlées, culbutées, altérées, inondées, embrasées ? De vastes continens furent engloutis par les eaux ; les mers sorties de leurs limites ont usurpé le domaine de la terre ; retirées par la suite, ces eaux nous ont laissé des preuves frappantes de leur séjour par les coquilles, les dépouilles de poissons, les restes de corps marins que l’observateur attentif rencontre à chaque pas dans les contrées fertiles que nous habitons aujourd’hui. Les feux souterreins se sont en différens lieux ouverts des soupiraux effrayans. En un mot les élémens déchaînés se sont, à plusieurs reprises, disputé l’empire de notre globe ; celui-ci ne nous montre par-tout qu’un vaste amas de débris & de ruines. Quelle dut être la frayeur de l’homme, qui dans tous les pays vit la nature entière armée contre lui, & menaçant de détruire sa demeure ! Quelles furent les inquiétudes des peuples pris au dépourvu, quand ils virent une nature si cruellement travaillée, un monde prêt à écroûler, une terre déchirée qui servit de tombeau à des villes, à des provinces, à des nations entières ! Quelles idées des mortels écrasés par la terreur durent-ils se former de la cause irrésistible qui produisoit des effets si étendus ! Ils ne purent, sans doute, les attribuer à la nature ; ils ne la soupçonnèrent point d’être auteur ou complice du désordre qu’elle éprouvoit elle-même ; ils ne virent pas que ces révolutions & ces désordres étoient des effets nécessaires de ses loix immuables, & contribuoient à l’ordre qui la fait subsister.

Ce fut dans ces circonstances fatales que les na-