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souffrir, il ne sçait à qui s’en prendre : ses inquiétudes redoublent ; son imagination s’égare ; elle lui exagère ou lui peint dans le désordre l’objet inconnu de sa terreur ; elle le fait analogue à quelques-uns des êtres déjà connus, elle lui suggère des moyens, semblables à ceux qu’il emploie d’ordinaire pour détourner les effets & désarmer la puissance de la cause cachée qui a fait naître ses inquiétudes & ses craintes. C’est ainsi que son ignorance & sa foiblesse le rendent superstitieux.

Peu d’hommes, même de nos jours, ont suffisamment étudié la nature, ou se sont mis au fait des causes physiques & des effets qu’elles doivent produire. Cette ignorance étoit, sans doute, plus grande encore dans des tems plus reculés, où l’esprit humain dans son enfance n’avoit pas fait les expériences & les progrès que nous voyons en lui. Des sauvages dispersés ne connurent qu’imparfaitement ou point du tout les voies de la nature ; la société seule perfectionne les connoissances humaines ; il faut des efforts multipliés & combinés pour deviner la nature. Cela posé, toutes les causes durent être des mystères pour nos sauvages ancêtres ; la nature entière fut une énigme pour eux ; tous ses phénomènes durent être merveilleux & terribles pour des êtres dépourvus d’expérience ; tout ce qu’ils voyoient dut leur paroître inusité, étrange, contraire à l’ordre des choses.

Ne soyons donc point surpris de voir les hommes trembler encore aujourd’hui à la vue des objets qui ont fait jadis trembler leurs pères. Les éclypses, les cometes, les météores furent autre-