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Cependant l’on inſiſte toujours, & l’on nous dit que l’on ne peut concevoir que l’intelligence ou la penſée puiſſent être des propriétés & des modifications de la matiere, dont cependant M. Clarcke avoue que nous ignorons l’eſſence & l’énergie, ou dont il a dit que les plus grands Génies n’avoient que des idées ſuperficielles & incompletes. Mais ne peut-on pas lui demander s’il eſt plus aiſé de concevoir que l’intelligence & la penſée ſoient des propriétés de l’eſprit, dont on a certainement bien moins d’idées que de la matiere ? Si nous n’avons que des idées obſcures & imparfaites des corps les plus ſenſibles & les plus groſſiers, comment connoîtrions-nous plus distinctement une ſubſtance immatérielle ou un Dieu ſpirituel qui n’agit ſur aucuns de nos ſens, & qui, s’il agiſſoit sur eux, ceſſeroit dès lors d’être immatériel ?

Mr. Clarcke n’eſt donc point fondé à nous dire que l’idée d’une ſubſtance immatérielle ne renferme aucune impoſſibilité & n’implique aucune contradiction, & que ceux qui diſent le contraire ſont obligés d’affirmer que tout ce qui n’eſt point matiere n’est rien. Tout ce qui agit ſur nos ſens est matiere ; une ſubſtance privée d’étendue ou des propriétés de la matiere ne peut ſe faire ſentir à nous, ni par conſéquent nous donner des perfections ou des idées : conſtitués comme nous le ſommes, ce dont nous n’avons point d’idées n’exiſte point pour nous. Ainſi il n’y a point d’abſurdité à ſoutenir que tout ce qui n’eſt point matiere n’eſt rien ; au contraire, c’eſt une vérité ſi frappante qu’il n’y a que des préjugés invétérés ou la mauvaiſe foi qui puiſſent en faire douter.