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ſuprême. Cela poſé de quelle meſure faut-il que l’homme ſe ſerve pour juger de ſon Dieu ? Ne ſont-ce pas des hommes qui ont imaginé cet être & qui l’ont revêtu des attributs qu’on lui donne ? S’il faut être un eſprit infini pour le comprendre, les Théologiens peuvent-ils ſe vanter de le concevoir eux mêmes ? A quoi bon en parlent-ils à d’autres ? L’homme, qui ne ſera jamais un être infini, pourra-t-il mieux concevoir ſon Dieu infini dans un monde futur, que dans celui qu’il habite aujourd’hui ? Si nous ne connoiſſons point Dieu dès à préſent, nous ne pouvons jamais nous flatter de le connoître par la ſuite, vû que jamais nous ne ſerons des Dieux.

Cependant l’on prétend que ce Dieu eſt néceſſaire à connoître ; mais comment prouver qu’il eſt néceſſaire de connoître ce qu’il eſt impoſſible de connoître ? On nous dit pour lors que le bon ſens & la raiſon ſuffiſent pour convaincre de l’exiſtence d’un Dieu. Mais d’un autre côté ne me dit-on pas que la raiſon est un guide infidele en matiere de religion ? Que l’on nous montre au moins le terme précis où il faut quitter cette raiſon qui nous aura conduit à la connoiſſance de Dieu. La conſulterons-nous encore lorſqu’il s’agira d’examiner ſi ce qu’on raconte de ce Dieu eſt probable, s’il peut réunir les attributs diſcordants qu’on lui donne, s’il a parlé le langage qu’on lui fait tenir ? Nos prêtres ne nous permettront jamais de conſulter la raiſon ſur ces choſes ; ils prétendront alors que nous devons nous en rapporter aveuglément à ce qu’ils diſent ; ils aſſûreront que le plus ſûr eſt de nous ſoumettre à ce qu’ils ont jugé convenable de décider ſur la nature d’un être, qu’ils avouent ne point connoître, & n’être aucu-