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Nous connoiſſons en nous-mêmes des modifications que nous nommons des ſentimens, des penſées, des volontés, des paſſions : faute de connoître notre eſſence propre & l’énergie de notre organiſation particuliere, l’on attribue ces effets à une cauſe cachée & diſtinguée de nous mêmes, que l’on a dit être ſpirituelle, parce qu’elle ſembloit agir différemment de notre corps : cependant la réflexion nous prouve que des effets matériels ne peuvent partir que d’une cauſe matérielle. Nous ne voyons de même dans l’univers que des effets phyſiques & matériels, qui ne peuvent partir que d’une cauſe analogue, & que nous attribuerons, non à une cauſe ſpirituelle que nous ne connoiſſons pas, mais à la nature elle même, que nous pouvons connoître à quelques égards, ſi nous daignions la méditer de bonne foi.

Si l’incompréhenſibilité de Dieu n’eſt point une raison de nier ſon existence elle n’en eſt pas une pour dire qu’il eſt immatériel, & nous le comprendrons encore bien moins ſpirituel que matériel, puiſque la matérialité eſt une qualité connue, & que la ſpiritualité eſt une qualité occulte ou inconnue, ou plutôt une façon de parler dont nous ne nous ſervons que pour couvrir notre ignorance. Un aveugle né ne raiſonneroit pas bien, s’il nioit l’exiſtence des douleurs, quoique ces douleurs n’exiſtent réellement pas pour lui, mais ſeulement pour ceux qui sont à portée de les connoitre ; cet aveugle nous paroitroit ridicule s’il vouloit les définir. S’il exiſtoit des êtres qui euſſent des idées de Dieu ou d’un pur eſprit, nos Théologiens leur paroitroient, ſans doute, auſſi ridicules que cet aveugle.

On nous répete ſans ceſſe que nos ſens ne nous