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mouvemens de crainte que nos préjugés religieux font naître en nous, ſont des inſpirations céleſtes, des avertiſſemens divins, des ſentimens naturels que nous devons préférer à la raiſon, au jugement, au bon ſens. Après nous avoir imbus dès l’enfance de ces maximes ſi propres à nous éblouir & à nous aveugler, il leur eſt aiſé de nous faire admettre les plus grandes abſurdités ſous le nom impoſant de Myſteres, & de nous empêcher d’examiner ce qu’ils nous diſent de croire. Quoi qu’il en ſoit, nous répondrons à Platon, & à tous les Docteurs qui, comme lui, nous impoſent la néceſſité de croire ce que nous ne pouvons comprendre, que pour croire qu’une choſe exiſte, il faut au moins en avoir quelqu’idée ; que cette idée ne peut nous venir que par nos ſens ; que tout ce que nos ſens ne nous font point connoître n’eſt rien pour nous ; que s’il y a de l’abſurdité à nier l’exiſtence de ce qu’on ne connoît pas, il y a de l’extravagance à lui donner des qualités inconnues & qu’il y a de la ſtupidité à trembler devant de vrais phantômes, ou à reſpecter de vaines idoles revêtues de qualités incompatibles que notre imagination à combinées ſans jamais pouvoir conſulter l’expérience & la raiſon.

Celà peut ſervir à répondre au Docteur Clarcke, qui nous dit : quelle abſurdité de ſe récrier ſi fort contre l’exiſtence d’une ſubſtance immatérielle, dont l’eſſence n’eſt point compréhenſible, & d’en parler comme de la choſe la plus incroyable ! il avoit dit un peu plus haut il n’y a point de plante ſi petite & ſi mépriſable qu’elle ſoit ; il n’eſt point d’animal ſi vile qui ne confonde le génie le plus ſublime : les êtres inanimés ſont environnés pour nous de ténebres impénétrables. Quelle extravagance donc de faire ſervir l’incompréhenſibilité de Dieu à nier ſon exiſtence.