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en tant qu’il n’eſt point lié par les loix de la nature ou par celles qu’il impoſe à tous les êtres. Cependant s’il eſt vrai qu’il ait fait ces loix, ſi elles ſont les effets de ſa ſageſſe infinie & de ſon intelligence ſuprême, il eſt par ſon eſſence obligé de les ſuivre, ou bien on ſera forcé de convenir que Dieu pourroit agir en inſenſé. Les Théologiens, dans la crainte, ſans doute, de gêner la liberté de Dieu, ont ſuppoſé qu’il n’étoit aſſervi à aucunes regles, comme nous l’avons prouvé ci-devant ; en conſéquence ils en ont fait un être deſpotique, fantaſque & bizarre, que ſa puiſſance mettoit en droit de violer toutes les loix qu’il avoit lui-même établies. Par les prétendus miracles qu’on lui attribue, il déroge aux loix de la nature ; par la conduite qu’on lui ſuppoſe, il agit très ſouvent d’une façon contraire à ſa ſageſſe divine & à la raiſon qu’il a donnée aux hommes pour régler leurs jugemens. Si Dieu eſt libre en ce ſens, toute religion eſt inutile ; elle ne peut ſe fonder que ſur les regles immuables que ce Dieu s’eſt preſcrites à lui-même & ſur les engagemens qu’il a pris avec le genre-humain : dès qu’une religion ne le ſuppoſe point lié par ſes engagemens, elle ſe détruit elle-même.

X. La cauſe ſuprême de toutes choſes poſſede une puiſſance infinie.

Il n’y a de puiſſance qu’en elle, cette puiſſance n’a donc point de bornes ; mais ſi c’eſt Dieu qui jouit de cette puiſſance, l’homme ne devroit pas avoir le pouvoir de mal faire ; ſans quoi il ſeroit en état d’agir contre la puiſſance divine ; il y auroit hors de Dieu une force capable de contrebalancer la ſienne ou de l’empêcher de produire les