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en ont été faits pendant le cours de notre enfance & de notre éducation, que nous croyons cette idée abſtraite inhérente à notre être & innée dans tous les hommes[1]. Notre mémoire ne nous rappelle pas la ſucceſſion des cauſes qui ont gravé ce nom dans notre cerveau. C’eſt uniquement par habitude que nous admirons & craignons un objet que nous ne connoiſſons que par le nom dont nous l’avons entendu désigner, dès l’enfance. Auſſitôt qu’on le prononce, nous lui aſſocions machinalement & ſans réflexion les idées que ce mot réveille dans notre imagination, & les ſenſations dont on nous a dit qu’il devoit être accompagné. Ainſi, pour peu que nous voulions être de bonne foi avec nous-mêmes, nous conviendrons que l’idée de Dieu & des qualités que nous lui attribuons, n’a d’autre fondement que l’opinion de nos Peres, traditionnellement infuſe en nous par l’éducation, confirmée par l’habitude & fortifiée par l’exemple & par l’autorité.

On voit donc comment les idées de Dieu, enfantées dans l’origine par l’ignorance, l’admiration & la crainte ; adoptées par l’inexpérience & la crédulité ; propagées par l’éducation, par l’exemple, par l’habitude, par l’autorité ſont devenues inviolables & ſacrées ; nous les avons reçues malgré nous ſur la parole de nos Peres, de nos Inſtituteurs, de nos Légiſlateurs, de nos Prêtres ; nous y tenons par habitude & ſans les avoir jamais examinées ; nous les regardons comme ſacrées parce

  1. Jamblique, philoſophe très obſcur & prêtre très viſionnaire, duquel néanmoins la Théologie moderne ſemble avoir emprunté un grand nombre de ſes dogmes, dit que antérieurement à tout uſage de la raiſon, la notion des Dieux eſt inſpirée par la nature, & même que nous ayons une eſpece de tact de la Divinité, préferable à la connoiſſance. Voyez, Jamblichus De Mysteriis, Page I.