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côté des qualités ſur leſquelles on ne diſpute point, de l’autre côté on diſpute ſur toutes les qualités. Perſonne n’a jamais dit, il n’y a point de ſoleil ou le ſoleil n’eſt point lumineux & chaud, au lieu que pluſieurs hommes ſenſés ont dit il n’y a point de Dieu. Ceux qui trouvent cette propoſition affreuſe & inſenſée & qui affirment que Dieu exiſte, ne nous diſent-ils pas en même tems qu’ils ne l’ont jamais vu ni ſenti & que l’on n’y connoît rien ? La Théologie eſt un monde où tout ſuit des loix inverses de celui que nous habitons !

Que devient donc cet accord ſi vanté de tous les hommes à reconnoître un Dieu & la néceſſité du culte qu’on doit lui rendre ? Il prouve qu’eux, ou leurs Peres ignorans, ont éprouvé des malheurs ſans pouvoir les rapporter à leurs véritables cauſes. [1] Si nous avions le courage d’examiner les choſes de ſang froid & de mettre à l’écart les préjugés que tout conſpire à rendre auſſi durables que nous, nous ſerions bientôt forcés de reconnoître que l’idée de la divinité ne nous eſt aucunement infuſe par la nature, qu’il fut un tems où elle n’exiſtoit point en nous, & nous verrions que nous la tenons par tradition de ceux qui nous ont élevés, que ceux-ci l’avoient reçue de leurs ancêtres, & qu’en dernier ressort el-

  1. Quand on voudra examiner de ſang froid la preuve de l’exiſtence de Dieu tirée du conſentement de tous les hommes, on reconnaîtra que l’on ne peut en rien conclure, ſinon que tous les hommes ont deviné qu’il exiſtoit dans la nature des forces motrices inconnues, des cauſes inconnues, vérité dont perſonne ne doutera jamais, vu qu’il eſt impoſſible de ſuppoſer des effets ſans cauſe. Ainſi la ſeule différence qu’il y ait entre les Athées & les Théologiens ou Déicoles, c’eſt que les premiers aſſignent à tous les phénomenes des cauſes matérielles, naturelles, ſenſibles & connues, au lieu que les derniers leur aſſignent des cauſes ſpirituelles, ſurnaturelles, inintelligibles, inconnues. Le Dieu des Théologiens eſt-il en effet autre choſe qu’une force occulte.