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ancêtres ignorans n’aient été allarmés, & qu’ils n’aient aſſignés à une cauſe inconnue & puiſſante qu’ils ont tranſmiſe à leur poſtérité, qui d’après eux n’a plus rien examiné.

D’ailleurs l’univerſalité d’une opinion ne prouve rien en faveur de ſa vérité. Ne voyons-nous pas un grand nombre de préjugés & d’erreurs groſſieres jouir même aujourd’hui de la ſanction preſqu’univerſelle du genre humain ? Ne voyons-nous pas tous les peuples de la terre imbus des idées de magie, de divinations, d’enchantemens, de préſages, de ſortileges, de revenans ? Si les perſonnes les plus inſtruites ſe ſont guéries de ces préjugés, ils trouvent encore des partiſans très zélés dans le plus grand nombre des hommes, qui les croient pour le moins auſſi fermement que l’exiſtence d’un Dieu. En conclura-t-on que ces chimeres appuyées du conſentement preſqu’unanime de l’eſpece humaine, ont quelque réalité ? Avant Copernic il n’y avoit perſonne qui ne crut que la terre étoit immobile, & que le ſoleil tournoit autour d’elle ; cette opinion univerſelle en étoit-elle moins une erreur pour celà ? Chaque homme a ſon Dieu : tous ces Dieux exiſtent-ils, ou n’en exiſte-t-il aucun ? Mais on nous dira, chaque homme a ſon idée du ſoleil, tous ces ſoleils exiſtent-ils ? Il eſt facile de répondre que l’exiſtence du ſoleil eſt un fait conſtaté par l’uſage journalier des ſens, au lieu que l’exiſtence d’un Dieu n’eſt conſtatée par l’uſage d’aucun ſens ; tout le monde voit le ſoleil, mais perſonne ne voit Dieu. Voilà la ſeule différence entre la réalité & la chimere : la réalité eſt preſqu’auſſi diverſe dans la tête des hommes que la chimere, mais l’une exiſte & l’autre n’exiſte pas ; il y a d’un