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gouvernée par un être pourvu d’organes, attendu que sans organes il ne peut y avoir ni perceptions, ni idées, ni intuition, ni pensées, ni volontés, ni plan, ni actions.

L’homme se fait toujours le centre de l’univers ; c’est à lui-même qu’il rapporte tout ce qu’il y voit ; dès qu’il croit entrevoir une façon d’agir qui a quelques points de conformité avec la sienne, ou quelques phénomènes qui l’intéressent, il les attribue à une cause qui lui ressemble, qui agit comme lui, qui a ses mêmes facultés, ses mêmes intérêts, ses mêmes projets, sa même tendance, en un mot il s’en fait le modèle. C’est ainsi que l’homme ne voyant hors de son espece que des êtres agissans différemment de lui, & croyant cependant remarquer dans la nature un ordre analogue à ses propres idées, des vues conformes aux siennes, s’imagina que cette nature étoit gouvernée par une cause intelligente à sa maniere, à laquelle il fit honneur de cet ordre qu’il crut voir, & des vues qu’il avoit lui-même. Il est vrai que l’homme se sentant incapable de produire les effets vastes & multipliés qu’il voyoit s’opérer dans l’univers, fut forcé de mettre une différence entre lui & cette cause invisible qui produisoit de si grands effets ; il crut lever la difficulté en exagérant en elle toutes les facultés qu’il possédoit lui-même. C’est ainsi que peu-à-peu il parvint à se former une idée de la cause intelligente qu’il plaça au-dessus de la nature pour présider à tous ses mouvemens, dont il l’a crut incapable par elle-même : il s’obstina toujours à la regarder comme un amas informe de matieres mortes & inertes, qui ne pouvoit produire aucuns des grands effets, des phénomènes réglés