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réſulte le maintien de l’exiſtence ; c’eſt attirer les matieres propres à corroborer ſon être, c’eſt écarter celles qui peuvent l’affoiblir ou l’endommager. Ainſi tous les êtres que nous connoiſſons tendent à ſe conſerver chacuns à leur maniere. La pierre par la forte adhéſion de ſes parties oppoſe de la réſiſtance à ſa deſtruction. Les êtres organiſés ſe conſervent par des moyens plus compliqués, mais qui ſont propres à maintenir leur exiſtence contre ce qui pourroit lui nuire. L’homme tant phyſique que moral, être vivant, ſentant, penſant & agiſſant ne tend à chaque inſtant de ſa durée qu’à ſe procurer ce qui lui plaît, ou ce qui eſt conforme à son être, & s’efforce d’écarter de lui ce qui peut lui nuire. [1]

La conſervation eſt donc le but commun vers lequel toutes les énergies, les forces, les facultés des êtres ſemblent continuellement dirigées. Les phyſiciens ont nommé cette tendance ou direction gravitation ſur ſoi; Newton l’appelle force d’inertie ; les moraliſtes l’ont appellé dans l’homme amour de ſoi ; qui n’eſt que la tendance à ſe conſerver, le deſir du bonheur, l’amour du bien être & du plaiſir, la promptitude à ſaiſir tout ce qui paroît favorable à ſon être, & l’averſion marquée pour tout ce qui le trouble ou le menace : ſentimens primitifs & communs de tous les êtres de l’eſpece humaine, que toutes leurs facultés s’efforcent de ſatisfaire, que toutes leurs paſſions, leurs volontés, leurs actions ont continuellement pour objet & pour fin. Cette gravitation ſur ſoi eſt donc une diſpoſition néceſſaire dans l’homme

  1. S. Auguſtin admet, comme nous, une tendance à ſe conſerver dans tous les êtres ſoit organiſés, ſoit non organiſés. Voyez ſon traité de Civitate Dei Lib. XI. cap. 28.