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mots vuides de sens, on leur parloit de choses réelles & on leur montroit leurs véritables intérêts.

L’homme n’est si souvent méchant que parcequ’il se sent presque toujours intéressé à l’être ; que l’on rende les hommes plus éclairés & plus heureux, & on les rendra meilleurs. Un gouvernement équitable & vigilant rempliroit bien-tôt son état de citoyens honnêtes ; il leur donneroit des motifs présens, réels & palpables de bien faire : il les feroit instruire, il leur feroit éprouver ses soins, il les séduiroit par l’assûrance de leur propre bonheur ; ses promesses & ses menaces, fidélement exécutées, auroient, sans doute, bien plus de poids que celles de la superstition, qui ne propose jamais que des biens illusoires, ou des châtimens dont les méchans endurcis douteront toutes les fois qu’ils auront intérêt d’en douter ; des motifs présens les toucheront bien plus que des motifs incertains & éloignés. Les vicieux & les méchans sont si communs sur la terre, si opiniâtres, si attachés à leurs déréglemens, parcequ’il n’est aucun gouvernement qui leur fasse trouver de l’avantage à être justes, honnêtes & bienfaisans ; au contraire partout les intérêts les plus puissans les sollicitent au crime, en favorisant les penchans d’une organisation vicieuse que rien n’a rectifiée ni portée vers le bien[1]. Un sauvage qui dans sa horde ne connoit point le prix de l’argent, n’en fera certainement aucun cas ; si vous le transplantez dans nos sociétés policées, il apprendra bientôt à le désirer, il fera des efforts pour l’obtenir, & s’il le peut sans danger, il

  1. Salluste dit, nemo gratuito malus est. On peut dire de même, nemo gratuito bonus.