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raison, fruit de l’expérience, n’est que l’art de choisir les passions que nous devons écouter pour notre propre bonheur. L’éducation est l’art de semer & de cultiver dans les cœurs des hommes des passions avantageuses. La législation est l’art de contenir les passions dangereuses, & d’exciter celles qui peuvent être avantageuses au bien public. La religion n’est que l’art de semer & de nourrir dans les ames des mortels des chimeres, des illusions, des prestiges, des incertitudes d’où naissent des passions funestes pour eux-mêmes, ainsi que pour les autres : ce n’est qu’en les combattant que l’homme peut être mis sur la route du bonheur.

La raison & la morale ne pourront rien sur les mortels, si elles ne montrent à chacun d’entre-eux que son intérêt véritable est attaché à une conduite utile à lui-même ; cette conduite, pour être utile, doit lui concilier la bienveillance des êtres nécessaires à sa propre félicité ; c’est donc pour l’intérêt ou l’utilité du genre-humain ; c’est pour l’estime, l’amour, les avantages qui en résultent, que l’éducation doit allumer de bonne heure l’imagination des citoyens ; ce sont les moyens d’obtenir ces avantages que l’habitude doit leur rendre familiers, que l’opinion doit leur rendre chers, que l’exemple doit les exciter à rechercher. Le gouvernement, à l’aide des récompenses, doit les encourager à suivre ce plan ; à l’aide des châtimens, il doit effrayer ceux qui voudroient le troubler. C’est ainsi que l’espoir d’un bien-être véritable & la crainte d’un mal réel seront des passions propres à contrebalancer celles qui nuiroient à la société, ces dernières deviendroient au moins très rares, si au lieu de repaître les hommes de spéculations inintelligibles & de