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les jetter dans le désespoir, ou bien lui ordonner des remèdes trop révoltans pour qu’ils consentissent à les prendre. Dans l’état actuel de nos sociétés opulentes, dire à un homme, qui sçait par expérience que les richesses procurent tous les plaisirs, qu’il ne doit pas les désirer, qu’il ne doit pas faire d’efforts pour les obtenir, qu’il doit s’en détacher, c’est lui persuader de se rendre malheureux. Dire à un ambitieux de ne point désirer le pouvoir & la grandeur, que tout conspire à lui montrer comme le comble de la félicité, c’est lui ordonner de renverser tout d’un coup le systême habituel de ses idées, c’est parler à un sourd. Dire à un amant d’un tempérament impétueux d’étouffer sa passion pour l’objet qui l’enchante, c’est lui faire entendre qu’il doit renoncer à son bonheur. Opposer la religion à des intérêts si puissans, c’est combattre des réalités par des spéculations chimériques.

En effet si nous examinons les choses sans prévention, nous trouverons que la plûpart des préceptes que la religion, ou que sa morale fanatique & surnaturelle donnent aux hommes, sont aussi ridicules qu’impossibles à pratiquer. Interdire les passions aux hommes, c’est leur défendre d’être des hommes ; conseiller à une personne d’une imagination emportée de modérer ses desirs, c’est lui conseiller de changer son organisation, c’est ordonner à son sang de couler plus lentement. Dire à un homme de renoncer à ses habitudes, c’est vouloir qu’un citoyen accoutumé à se vêtir consente à marcher tout nud ; autant vaudroit-il lui dire de changer les traits de son visage, de détruire son tempérament, d’éteindre son imagination, d’altérer la nature de ses fluides, que de