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animés de la noble ambition de rendre les nations florissantes & fortunées ; nous y trouvons des Antonins, des Trajans, des Julien, des Henri ; nous y rencontrons des ames élevées qui mettent leur gloire & leur bonheur à encourager le mérite, à secourir l’indigence, à tendre la main à la vertu opprimée. Nous y trouvons des génies occupés du desir d’arracher l’admiration de leurs concitoyens en les servant utilement, & jouissant du bonheur qu’ils procurent aux autres.

Ne croyons point que le pauvre lui-même soit exclu du bonheur. La médiocrité, l’indigence lui procurent souvent des avantages que l’opulence & la grandeur sont forcées de reconnoître & d’envier. L’ame du pauvre toujours en action ne cesse de former des desirs, tandis que le riche & le puissant sont souvent dans le triste embarras de ne sçavoir que souhaiter ou de désirer des objets impossibles à se procurer[1]. Son corps habitué au travail connoit les douceurs du repos ; ce repos est la plus rude des fatigues pour celui qui s’ennuie de son oisiveté. L’exercice & la frugalité procurent à l’un de la vigueur & de la santé ; l’intempérance & l’inertie des autres ne leur donne que des dégoûts & des infirmités. L’indigence tend tous les ressorts de l’ame, elle est mère de l’industrie ; c’est de son sein que l’on voit sortir le génie, les talens, le mérite auxquels l’opulence & la grandeur sont forcées de rendre hommage. Enfin les coups du sort trouvent dans le pauvre un roseau flexible qui cède sans se briser.

Ainsi la nature ne fut point une marâtre

  1. Petrone dit, nescio quomodo bonæ mentis soror est popertas.