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loir guérir des esprits que tout conspire à empoisonner. Quand on considère ces superstitions qui les allarment, les divisent & les rendent insensés ; ces gouvernemens qui les oppriment, ces loix qui les gênent, les injustices multipliées sous lesquelles on voit gémir presque tous les peuples de la terre, enfin ces vices & ces crimes qui rendent l’état de société si haïssable presque à tous ceux qui s’y trouvent ; l’on a peine à se défendre de l’idée que l’infortune est l’apanage du genre-humain, que ce monde n’est fait que pour rassembler des malheureux, que le bonheur est une chimere, ou du moins un point si fugitif qu’il est impossible de le fixer.

Des superstitieux atrabilaires & nourris de mélancolie, virent donc sans cesse la nature ou son auteur acharnés contre l’espèce humaine ; ils supposèrent que l’homme, objet constant de la colère du ciel, l’irritoit même par ses desirs, & se rendoit criminel en cherchant une félicité qui n’étoit pas faite pour lui. Frappés de voir que les objets que nous désirons le plus vivement ne sont jamais capables de remplir notre cœur, ils ont décrié ces objets comme nuisibles, comme odieux, comme abominables ; ils ont prescrit de les fuir ; ils ont fait main basse indistinctement sur toutes les passions les plus utiles à nous-mêmes & aux êtres avec qui nous vivons ; ils ont voulu que l’homme se rendît insensible, devint l’ennemi de lui-même, se séparât de ses semblables, renonçât à tout plaisir, se refusât le bonheur, en un mot se dénaturât. " mortels ! Ont-ils dit, vous êtes nés pour le malheur ; l’auteur de votre existence vous destina pour l’infortune ; entrez donc dans ses vues & rendez vous malheureux. Com-