Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

vant lui, en lui faisant des présens, en mettant son prêtre dans ses intérêts. Ainsi la religion, loin de donner une base sûre, naturelle & connue à la morale, ne lui donna qu’une base chancelante, idéale, impossible à connoître. Que dis-je ? Elle la corrompit, & ses expiations achevèrent de la ruiner. Quand elle voulut combattre les passions des hommes elle le fit vainement ; toujours enthousiaste & privée d’expérience, elle n’en connut jamais les vrais remèdes ; ses remèdes furent dégoûtans & propres à révolter les malades ; elle les fit passer pour divins, parce qu’ils ne furent point faits pour des hommes ; ils furent inefficaces, parce que des chimeres ne peuvent rien contre des passions que les motifs les plus réels & les plus forts concouroient à faire naître & à nourrir dans les cœurs. La voix de la religion ou des dieux ne put se faire entendre dans le tumulte des sociétés, où tout crioit à l’homme qu’il ne pouvoit se rendre heureux sans nuire à ses semblables : ses vaines clameurs ne firent que rendre la vertu haïssable, parce qu’elles la représentèrent toujours comme ennemie du bonheur & des plaisirs des humains. Dans l’observation de leurs devoirs on ne fit voir aux mortels que le cruel sacrifice de ce qu’ils ont de plus cher, & jamais on ne leur donna des motifs réels pour faire ce sacrifice. Le présent l’emporta sur l’avenir, le visible sur l’invisible, le connu sur l’inconnu, & l’homme fut méchant parce que tout lui dit qu’il falloit l’être pour obtenir le bonheur.

C’est ainsi que la somme des malheurs du genre humain ne fut point diminuée, mais s’accrût au contraire par ses religions, par ses gouvernemens, par son éducation, par ses opinions, en