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voir est le plus grand des biens lorsque celui qui en est dépositaire a reçu de la nature & de l’éducation une ame assez grande, assez noble, assez forte pour étendre ses heureuses influences sur des nations entières, qu’il met par-là dans une légitime dépendance, & qu’il enchaîne par ses bienfaits : l’on n’acquiert le droit de commander aux hommes qu’en les rendant heureux.

Les droits de l’homme sur son semblable ne peuvent être fondés que sur le bonheur qu’il lui procure ou qu’il lui donne lieu d’espérer ; sans cela le pouvoir qu’il exerce sur lui seroit une violence, une usurpation, une tyrannie manifeste ; ce n’est que sur la faculté de nous rendre heureux que toute autorité légitime est fondée. Nul mortel ne reçoit de la nature le droit de commander à un autre ; mais nous l’accordons volontairement à celui de qui nous espérons notre bien-être. Le gouvernement n’est que le droit de commander à tous conféré au souverain pour l’avantage de ceux qui sont gouvernés. Les souverains sont les défenseurs & les gardiens de la personne, des biens, de la liberté de leurs sujets, ce n’est qu’à cette condition que ceux-ci consentent d’obéir ; le gouvernement n’est qu’un brigandage dès qu’il se sert des forces qui lui sont confiées pour rendre la société malheureuse. L’empire de la religion n’est fondé que sur l’opinion où l’on est qu’elle a le pouvoir de rendre les nations heureuses ; les dieux ne seroient que des phantômes odieux s’ils rendoient les hommes malheureux[1]. Le gouvernement

  1. Cicéron dit : Nisi homini Deus placuerit, Deus non erit. Dieu ne peut obliger les hommes à lui obéir qu’en leur faisant connaître qu’il est en son pouvoir de les rendre heureux ou malheureux. Voyez défense de la religion, tom. I, pag. 433. Il faut conclure de ces principes, que l’homme est en droit de juger la religion et les dieux ; d’après les avantages ou les désavantages qu’ils procurent à la société.