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CHAPITRE XVI

Les erreurs des hommes sur ce qui constitue le bonheur sont la vraie source de leurs maux. Des remèdes qu’on leur a voulu appliquer.


La raison ne défend point à l’homme de former de vastes desirs ; l’ambition est une passion utile au genre-humain, quand elle a son bonheur pour objet. De grandes ames veulent agir dans une grande sphère ; des génies puissans, éclairés, bienfaisans, placés dans d’heureuses conjonctures, répandent au loin leurs influences favorables ; ils ont besoin pour leur propre félicité de faire un grand nombre d’heureux. Tant de princes jouissent si rarement d’un vrai bonheur parce que leurs ames foibles & rétrécies sont forcées d’agir dans une sphère trop étendue pour leur peu d’énergie. C’est ainsi que par l’inaction, l’indolence, l’incapacité de leurs chefs, les nations languissent souvent dans la misère, & sont soumises à des maîtres aussi peu capables de faire leur propre bonheur que celui de leurs sujets. D’un autre côté des ames trop emportées, trop bouillantes, trop actives sont elles-mêmes à la gêne dans la sphère qui les renferme, & leur chaleur déplacée en fait des fléaux du genre-humain[1].

  1. Æstuat infelix angusto limite mundi. Sénèque dit d’Alexandre, post Darium & Indos pauper est Alexander ; inventus est qui concupisceret aliquid post omnia. V. Senec. Epist. 120.