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différent au sauvage, qui ne sçauroit qu’en faire, est amassé par l’avare, pour qui il devient inutile, & dépensé par le prodigue & le voluptueux, qui ne s’en servent que pour acheter des regrets & des infirmités. Les plaisirs ne sont rien pour qui est incapable de les sentir ; ils deviennent des maux réels, quand destructeurs pour nous-mêmes, ils dérangent notre machine, nous font négliger nos devoirs & nous rendent méprisables aux yeux des autres. Le pouvoir n’est rien en lui-même ; il nous est inutile, si nous ne nous en servons pour notre propre félicité ; il nous devient funeste, dès que nous en abusons ; il devient odieux, dès que nous l’employons à faire des malheureux. Faute d’être éclairés sur leurs vrais intérêts ceux d’entre les hommes qui jouissent de tous les moyens de se rendre heureux, ne trouvent presque jamais le secret de les faire servir à leur propre bonheur. L’art de jouir est le plus ignoré ; ce seroit celui qu’il faudroit apprendre avant que de désirer ; la terre est remplie d’hommes qui ne s’occupent que du soin de se procurer des moyens sans jamais en connoître la fin. Tout le monde désire de la fortune & du pouvoir & nous voyons très peu de gens que ces objets rendent heureux.

Il est naturel, très nécessaire, très raisonnable de désirer les choses qui peuvent contribuer à augmenter la somme de notre félicité. Les plaisirs, les richesses, le pouvoir sont des objets dignes de notre ambition & de nos efforts, lorsque nous sçavons en faire usage pour rendre notre existence plus agréable ; nous ne pouvons blâmer celui qui les désire, ni mépriser ou haïr celui qui les posséde que quand pour les obtenir, il emploie des moyens odieux ou lorsque après les avoir obtenus, il