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qui reste à la vertu dans ce monde pervers. Anéantir en lui le sentiment si juste d’un amour propre fondé, ce seroit briser le plus puissant des ressorts qui le porte à bien faire. Quel mobile lui resteroit-il en effet dans la plûpart des sociétés humaines ? N’y voyons-nous pas la vertu méprisée & découragée ? Le crime audacieux & le vice adroit récompensés ? L’amour du bien public taxé de folie ; l’exactitude à remplir ses devoirs regardée comme une duperie ; la compassion, la sensibilité, la tendresse & la fidélité conjugale, l’amitié sincère & inviolable méprisées & traitées de ridicules ? Il faut à l’homme des motifs pour agir ; il n’agit bien ou mal qu’en vue de son bonheur ; ce qu’il juge son bonheur est son intérêt ; il ne fait rien gratuitement ; quand on lui retient le salaire de ses actions utiles il est réduit ou à devenir aussi méchant que les autres, ou à se payer de ses propres mains.

Cela posé, l’homme de bien ne peut jamais être complétement malheureux, il ne peut être totalement privé de la récompense qui lui est due ; la vertu peut tenir lieu de tous les biens ou bonheurs d’opinion, il n’en est point qui puissent la remplacer. Ce n’est pas que l’homme honnête soit exempt d’afflictions ; ainsi que le méchant il est sujet aux maux physiques ; il peut être dans l’indigence ; il est souvent en butte à la calomnie, à l’injustice, à l’ingratitude, à la haine ; mais au milieu de ses traverses, de ses peines & de ses chagrins il trouve en lui-même un support ; il est content de lui-même ; il se respecte, il sent sa propre dignité, il connoît la bonté de ses droits, & se console par la confiance qu’il a dans la justice de sa cause. Ces appuis ne sont point faits pour