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res, n’ont point d’égards aux promesses & aux menaces incertaines qu’on leur fait ; l’intérêt actuel de leurs plaisirs, de leurs passions, de leurs habitudes l’emporte toujours sur l’intérêt qu’on leur montre à obtenir un bien-être futur ou à éviter des malheurs, qui leur paroissent douteux toutes les fois qu’ils les comparent à des avantages présens.

C’est ainsi que la superstition, loin de faire des hommes vertueux par principes ne fait que leur imposer un joug aussi dur qu’inutile : il n’est porté que par des enthousiastes ou par des pusillanimes, que leurs opinions rendent ou malheureux ou dangereux ; & qui, sans devenir meilleurs rongent en frémissant le foible mords qu’on leur met dans la bouche. En effet l’expérience nous prouve que la religion est une digue incapable de résister au torrent de la corruption auquel tant de causes accumulées donnent une force irrésistible. Bien plus cette religion n’augmente-t-elle pas elle-même le désordre public par les passions dangereuses qu’elle déchaîne & qu’elle sanctifie ? La vertu n’est presque en tous lieux le partage que de quelques ames, assez fortes pour résister au torrent des préjugés ; contentes de se payer elles-mêmes des biens qu’elles répandent sur la société, assez modérées pour être satisfaites des suffrages d’un petit nombre d’approbateurs ; enfin détachées des futiles avantages que des sociétés injustes n’accordent trop communément qu’à la bassesse, à l’intrigue & aux crimes.

Malgré l’injustice qui règne dans le monde il est pourtant des hommes vertueux ; il est, au sein même des nations les plus vicieuses, des êtres