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qualités frivoles & nuisibles, & ne rendent point au mérite la justice qui lui est dûe. Mais l’homme de bien n’ambitionne ni les récompenses ni les suffrages d’une société si mal constituée : content d’un bonheur domestique, il ne cherche pas à multiplier des rapports qui ne feroient que multiplier ses dangers : il sçait qu’une société vicieuse est un tourbillon avec lequel l’homme honnête ne peut se coordonner : il se met donc à l’écart, hors de la route battue, où il seroit infailliblement écrasé. Il fait le bien autant qu’il peut dans sa sphère ; il laisse le champ libre aux méchans qui veulent descendre dans l’arêne ; il gémit des coups qu’ils se portent, il s’applaudit de sa médiocrité qui le met en sûreté ; il plaint les nations malheureuses par leurs erreurs, & par les passions qui en sont les suites fatales & nécessaires ; elles ne renferment que des citoyens malheureux ; ceux-ci, loin de songer à leurs véritables intérêts, loin de travailler à leur bonheur mutuel, loin de sentir combien la vertu leur devroit être chère, ne font que se combattre ouvertement ou se nuire sourdement, & détestent une vertu qui gêneroit leurs passions désordonnées.

Quand nous disons que la vertu est sa propre récompense, nous voulons donc simplement annoncer que dans une société dont les vues seroient guidées par la vérité, par l’expérience, par la raison, chaque homme connoîtroit ses véritables intérêts, sentiroit le but de l’association, trouveroit des avantages ou des motifs réels pour remplir ses devoirs, en un mot seroit convaincu que, pour se rendre solidement heureux, il doit s’occuper du bien-être de ses semblables, & mériter leur estime, leur tendresse & leurs secours. Enfin