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tent le contentement & la paix dans lesquels il reconnoit son ouvrage ; tout ce qui l’environne est prêt à partager ses plaisirs & ses peines ; chéri, respecté, considéré des autres, tout le ramène agréablement sur lui-même ; il connoît les droits qu’il s’est acquis sur tous les cœurs ; il s’applaudit d’être la source d’une félicité par laquelle tout le monde est enchaîné à son sort. Les sentimens d’amour que nous avons pour nous-mêmes, deviennent cent fois plus délicieux, lorsque nous les voyons partagés par tous ceux avec qui notre destin nous lie. L’habitude de la vertu nous fait des besoins que la vertu suffit pour satisfaire ; c’est ainsi que la vertu est toujours sa propre récompense, & se paye elle-même des avantages qu’elle procure aux autres.

On ne manquera point de nous dire, & même de nous prouver, que dans la présente constitution des choses, la vertu, loin de procurer le bien-être à ceux qui la pratiquent les plonge souvent dans l’infortune, & met des obstacles continuels à leur félicité ; par-tout on la voit privée de récompenses ; que dis-je ! Mille exemples peuvent nous convaincre que presqu’en tout pays elle est haïe, persécutée, forcée de gémir de l’ingratitude & de l’injustice des hommes. Je réponds en avouant que par une suite nécessaire des égaremens du genre-humain, la vertu mène rarement aux objets dans lesquels le vulgaire fait consister le bonheur. La plûpart des sociétés, gouvernées trop souvent par des hommes que l’ignorance, la flatterie, le préjugé, l’abus du pouvoir & l’impunité concourent à rendre ennemis de la vertu, ne prodiguent communément leur estime & leurs bienfaits qu’à des sujets indignes, ne récompensent que des